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3 février 2020
Avec l’adoption de plus en plus large de la technologie blockchain, la France progresse dans le processus de digitalisation du monde des affaires. Nous allons poursuivre notre éclairage pour répondre à la question : comment participe-t-elle réellement dans l’accompagnement juridique de la vie des entreprises ?
Après avoir présenté en première partie Les registres de sociétés dématérialisés, nous évoquerons ci-après une deuxième application en droit des affaires : la protection de la propriété intellectuelle (II). Elle sera suivie des deux autres parties : la data room dématérialisée (III) et en tant que moyen de preuve (IV).
La blockchain en deux mots : sécurité et immédiateté
Comme il a été vu dans la première partie, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations par « blocks », transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.
Cette technologie permet de retracer l’historique de ces informations et permet de les horodater.
Il s’agit en fait d’une base de données sur laquelle sont enregistrés des transactions ou événements regroupés par « blocks » qui se suivent et dont l’historique est retracé et figé. Ces événements sont classés par ordre chronologique pour être partagés par les différents utilisateurs
Mais en quoi la blockchain est-elle si révolutionnaire en termes de sécurité ?
Le partage permet à chacun de vérifier et authentifier chaque opération. Ainsi, la modification est impossible et la chaîne, donc la base de données, devient immuable.
Indiscutablement, ce caractère d’inaltérabilité est très intéressant pour le domaine juridique et notamment pour la protection de la propriété intellectuelle et industrielle.
La blockchain et la protection de la propriété intellectuelle
L’utilisation de la blockchain pour protéger d’une façon simple et rapide la propriété intellectuelle se répand également de plus en plus.
En effet, la course au progrès technologique suscite un très grand nombre de projets innovants soumis à l’exigence d’enregistrement quasi instantané des avancements dans les travaux de développement.
Or, pour faire valoir son droit d’auteur, ce dernier doit être en mesure de démontrer sa qualité de réel créateur de l’invention revendiquée, d’une part, et son antériorité par rapport aux autres, d’autre part.
L’enregistrement auprès de l’INPI de solution innovante n’est pas possible pour toutes les inventions et peut par ailleurs s’avérer onéreux alors que, le plus souvent, à ce stade, le concept n’a pas encore fait ses preuves. Des moyens intermédiaires utilisés comme l’enveloppe Soleau, le dépôt auprès d’un huissier ou d’un notaire sont, soit peu efficaces, soit également coûteux, ou les deux à la fois.
Dans ce domaine également l’utilisation de la blockchain pourrait révolutionner les moyens de preuves de la paternité de l’invention et de sa date de création.
En effet, la blockchain permet d’obtenir instantanément la date et l’heure d’enregistrement d’une création par son ancrage dans la base de données. Ainsi, si l’on attache un « hash » au texte décrivant l’invention ou la création, on disposera alors d’une date certaine pouvant être opposée au titre de la possession personnelle antérieure.
Il s’agit d’une possibilité à la fois d’automatisation du processus d’enregistrement d’une solution et d’obtention de traçabilité infalsifiable, tout au long de l’évolution et de la vie d’une invention puisque l’ensemble des opérations la concernant (étapes de création, cession, licence) peut être ainsi gravé.
L’ancrage dans la blockchain permet de se procurer une preuve de la conception d’invention valable (comme l’originalité ou le pays dans lequel les articles fabriqués à partir de dessin ou modèle ont été commercialisés pour la première fois), de son statut et de son évolution. A titre d’exemple, il deviendrait possible de reproduire les traces de l’exploitation des œuvres numériques, ce qui est impossible aujourd’hui, et le cas échant, de contester certaines exploitations.
Un usage encore différent de la technologie blockchain a trouvé son application dans le domaine des brevets. En effet, chaque exemplaire fabriqué est enregistré dans la chaîne de blocs au moyen d’une identification unique permettant de contrôler la circulation du produit. Ce procédé offre notamment la possibilité de distinguer les produits authentiques des produits issus de la contrefaçon ou encore d’établir le nombre d’exemplaires authentiques en circulation. Il participera également dans le renforcement de la lutte contre la contrefaçon ou toute autre fraude.
Le processus de protection sécurisé, simplifié et peu onéreux renforcerait la position des auteurs et inventeurs qui sont aujourd’hui souvent désarmés face au pillage des idées et des procédés. Grâce aux plateformes proposant l’ancrage dans la blockchain de divers éléments, une création résultant d’une idée devient réellement protégeable.
Ce progrès dans la protection de la propriété intellectuelle par la technologie blockchain, que certains n’hésitent pas à qualifier de révolutionnaire, bouleversera également le rapport de forces économiques. En effet, les actifs immatériels sont la seule véritable richesse des entreprises des nouvelles technologies, et donc la seule garantie que les start-ups peuvent offrir aux investisseurs.
Les qualités de conservation des éléments sur la blockchain renforcent d’autant plus l’importance des actifs immatériels dont la preuve ainsi instituée sera valable tant dans le pays d’origine que partout dans le monde, comme il sera expliqué dans la quatrième partie, La blockchain – bien ou mal aimée des tribunaux français et étrangers.
Dans le prochain article, il sera présenté une troisième application de la blockchain dans le domaine du droit des affaires : la data room dématérialisée.
Ewa Kaluzinska Nicolas Renault
Verne Legal, Avocat associé Verne Legal, Juriste
Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet : info@vernelegal.com.