Export: droit à l’exonération de la TVA même en cas d’irrégularités de forme

À la lumière du droit communautaire,
la notion de livraison de biens hors
de l’Union européenne, appelée exportation.

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À la lumière du droit communautaire, la notion de livraison de biens hors de l’Union européenne, appelée exportation [1], a un caractère objectif et s’applique indépendamment des buts poursuivis et des résultats des opérations concernées. En conséquence, lorsque les marchandises quittent le territoire de l’Union européenne, l’entreprise exportatrice a droit à l’exonération de la TVA au lieu de l’application du taux de TVA de droit commun des opérations nationales, et cela même si certaines conditions de forme ne sont pas remplies.

Une décision dans ce sens a été rendue par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 17 octobre 2019, dans une affaire introduite par la société polonaise Unitel (l’affaire n° C 653/18). En l’espèce, il a été demandé à Unitel de payer la TVA au taux de droit commun de 23% sur la vente de téléphones alors qu’elle a été destinée à un contractant ukrainien. Il s’est avéré que la société qui a réellement acheté les produits n’était pas celle indiquée sur la facture. L’administration fiscale polonaise, interprétant ce fait comme une tentative de dissimulation de destinataire réel de la vente et de fraude fiscale, en a conclu que cette opération de vente ne satisfait pas aux exigences de la législation relative à la TVA dans le cadre des exportations. Elle a donc exigé le paiement de la TVA de droit commun au taux de 23%, ce qui a remis en question la qualification de l’opération en tant qu’exportation. Parmi les motivations de l’administration figurait également la fausse adresse du destinataire et l’absence de pouvoirs.

L’affaire a été renvoyée par la Cour suprême administrative de la Pologne à la plus haute juridiction européenne dans le cadre de la question préjudicielle.

La CJUE s’est prononcée en faveur de la société polonaise, estimant que l’exportateur n’est pas responsable du non-paiement de la TVA par l’acheteur à partir du moment où il n’a aucune influence sur ce point. Selon la CJUE, il serait disproportionné d’imputer à un assujetti la perte de recettes fiscales causée par des agissements frauduleux de tiers sur lesquels il n’a aucun contrôle (en l’occurrence le contractant ukrainien). Toutefois, selon la CJUE, l’exportateur doit faire preuve de vigilance suffisante dans ses relations avec le contractant. En conséquence, lorsque l’exportateur sait ou aurait dû avoir conscience, à travers l’opération en cause, que l’acheteur était impliqué dans une fraude à la TVA, il perd le droit d’appliquer le taux de TVA de 0 %.

En statuant ainsi, la Cour a remis en question la pratique des autorités fiscales polonaises et s’est interrogée sur la conformité de la jurisprudence des tribunaux nationaux avec le doit de l’UE. Selon la CJUE, les autorités fiscales ne pouvaient pas appliquer automatiquement un taux de droit commun de la TVA à l’opération en cause, comme si celle-ci constituait une vente nationale. D’après les juges européens, les preuves incontestables du fait que les biens ont effectivement quitté le territoire de l’Union suffissent pour que l’opération soit qualifiée d’exportation. Ainsi elle est exclue du champ d’application de la TVA de droit commun.

Il s’agit d’une décision importante pour les exportateurs de biens. Ces derniers doivent être conscients que pour conserver le droit à l’exonération de la TVA, ils doivent être en mesure de prouver qu’ils ont agi avec toute la diligence requise à l’égard du contractant étranger en veillant à ce que la transaction ait été effectuée légalement.

La décision de la CJUE serait-elle similaire si elle concernait des livraisons intracommunautaires de biens, par exemple entre la Pologne et la France ? Certainement oui.

En 2018, la CJUE a adopté la même position dans une affaire de transaction intracommunautaire, pour une livraison entre la Slovénie à la Roumanie. Dans la décision rendue le 25 octobre 2018 (affaire Milan Božičevič Ježovnik nr C-528/17), la Cour européenne de justice a décidé que “refuser automatiquement à un assujetti importateur et fournisseur, sans égard à sa diligence, le droit à l’exonération de la TVA à l’importation en cas de fraude commise par l’acquéreur dans le cadre de la livraison intracommunautaire subséquente reviendrait à rompre le lien entre l’exonération à l’importation et l’exonération de la livraison intracommunautaire subséquente.”
Il en résulte que, par analogie à l’arrêt du 17 octobre 2019, un contribuable européen ne peut être privé du droit à un remboursement ou à une déduction de la TVA en amont que s’il savait ou aurait dû savoir que la transaction dans laquelle il est impliqué est liée à une évasion ou une fraude fiscale. L’obligation d’agir de bonne foi et de prendre toute mesure raisonnablement requise pour s’assurer que l’opération qu’il effectue ne le conduit pas à participer à une fraude fiscale, s’applique donc non seulement aux exportateurs vers des pays tiers de l’UE, mais également à ceux qui livrent des biens au sein de l’Union européenne, par exemple entre la France et la Pologne.

Iga Kurowska
Verne Legal
i.kurowska@vernelegal.com

[1] A la différence de l’exportation de marchandises d’un pays membre vers un autre pays membre de l’UE, on parle de livraison intracommunautaire de biens et qui est également soumise à une exonération du VAT, mais reposant sur d’autres réglementations et des règles légèrement différentes.

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La France devient membre du programme international pour le respect des obligations fiscales ICAP 2.0

En septembre 2019, le Ministre de l’Action et des Comptes
publics Gérald Darmanin, a annoncé que la France joindra
dix-huit autres pays participant au programme ICAP 2.0.

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En septembre 2019, le Ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, a annoncé que la France rejoindra dix-huit autres pays, dont la Pologne, participant au programme ICAP 2.0 (International compliance assurance programme), lequel a été mis en place dans le cadre de la coopération de l’OCDE. Cet instrument vise notamment à lutter contre la fraude fiscale et certains montages d’optimisation pratiqués par les groupes internationaux d’entreprises.

À travers sa participation, la France cherche à améliorer la cohérence et la coordination de l’évaluation des risques fiscaux, ainsi que, plus indirectement, ses relations avec les entreprises étrangères présentes sur la scène internationale. L’implication de l’Hexagone témoigne de la mise en œuvre progressive des politiques qui favorisent le développement du commerce international. Le programme consiste en une série d’échanges entre les grandes entreprises multinationales et l’administration fiscale portant sur la stabilité et la transparence fiscale des régimes nationaux. Lors de la réunion tenue en mars à Santiago, Chili, le Forum sur l’administration fiscale (Forum on tax administrations FTA) a décidé de passer à la deuxième phase du programme – Scoping. Les résultats obtenus jusqu’à présent sont jugés très encourageants par les entreprises participant au programme, telles que Shell International BV ou Barilla.

Source: OECD (2019), International Compliance Assurance Programme Pilot Handbook 2.0, OECD, Paris.

Depuis sa prise de fonctions en 2017, le Ministre Darmanin s’implique activement dans
l’amélioration de relations entre les contribuables et l’administration fiscale. Il s’est engagé à mettre en œuvre sept programmes, dont la création d’un bureau international des impôts, qui aurait pour but d’assurer le conseil sur la fiscalité des pays étrangers pour les entreprises françaises qui développent leurs activités à l’international. En outre, M Darmanin a annoncé des simplifications des procédures de déclarations fiscales imposées aux sociétés étrangères qui opèrent en France, et notamment, la publication systématique d’instructions afin de leur faciliter la compréhension de ce processus.

Par ailleurs, il est souvent question de l’intention de la France d’introduire une taxe spéciale pour les entreprises du numérique, comme cela a déjà été fait en Grèce, en Angleterre ou en Italie. Ces changements s’inscrivent dans les travaux de l’Union européenne sur de nouvelles règles d’imposition des entreprises du secteur IT, dont e-commerce, qui devraient entrer en vigueur en janvier 2021.

Pour plus d’informations sur le programme ICAP 2.0: OECD (2019), International Compliance Assurance Programme Pilot Handbook 2.0, OECD, Paris. www.oecd.org/www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/international- compliance-assurance-programme-pilot-handbook-2.0.htm

Iga Kurowska
Verne Legal
i.kurowska@vernelegal.com

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