Coronavirus et contrats commerciaux internationaux: perspective du droit français(III)

Post title

9 juin 2020

Dans les deux articles précédents, nous avons recherché si la force majeure ou l’imprévision peut être une justification juridique utilisée pour l’inexécution d’un contrat en raison de l’épidémie de coronavirus. Dans la troisième et dernière partie de la série « Coronavirus et les contrats commerciaux internationaux :  perspective du droit français“, nous établissons un plan d’action de base, c’est-à-dire un ensemble de lignes directrices pratiques, à l’intention des entreprises qui rencontrent des problèmes contractuels causés par l’épidémie actuelle de Covid -19.

Notre expérience montre qu’en cette période particulièrement difficile pour tous, la négociation, la médiation et la recherche du compromis sont les clés pour parvenir à des accords permettant de préserver les relations commerciales d’éventuelles procédures judiciaires.  Par conséquent, une approche stratégique appropriée pourrait aider à faire face aux potentiels effets négatifs de l’épidémie sur les contrats commerciaux, telles que l’exécution ou la réduction des coûts, la responsabilité pour les dommages ou la résiliation. 

Révision des droits et des obligations contractuels et évaluation des risques

Comme indiqué dans les publications précédentes et avant toute réaction, la consultation des termes du contrat qui obligent les parties, constitue la première étape indispensable. Il va sans dire qu’il s’agit des contrats conclus avant l’apparition du Covid-19, approximativement avant 28 février 2020, jour où le Ministère français de l’économie et des finances a qualifié le coronavirus de force majeure pour les marchés publics.

Toute d’abord, il est fortement recommandé de vérifier les dispositions relatives à la force majeure ou à l’imprévision.

Également, il est nécessaire d’analyser les clauses relatives à l’exception d’inexécution, l’exception pour risque d’inexécution, les clauses pénales ou les clauses de déchéance, de forclusion.

En outre, sont à examiner les mécanismes contractuels déclenchés par tel ou tel délai (délais d’option, de mise en jeu d’une GAP etc.), les clauses résolutoires, les clauses sanctionnant l’inexécution d’une obligation.

Enfin, il est indispensable de consulter les dispositions contractuelles prévoyant les clauses de médiation et relatives à la résolution des litiges telles que le droit applicable ou la juridiction compétente.

L’importance de la vérification du contrat est cruciale dans la mesure où celui-ci contient probablement des précisions sur les obligations d’information ou des exigences de préavis liées aux différents mécanismes juridiques dont nous pourrions avoir potentiellement recours. Le respect de ce type d’obligations, bien qu’elles concernent principalement la forme, comme le délai (généralement à délivrer “rapidement”),le moyen de communication ou contenu, est aussi important que la justification de la disposition légale à laquelle nous faisons référence.

Les conséquences d’une éventuelle résiliation ou rupture de contrat doivent également être évaluées.

Trouver des alternatives et anticiper

L’expérience a déjà démontré que l’épidémie de Covid-19 est un événement de longue durée avec des effets sur la vie des affaires à court et à long terme. Notamment, dans le cas d’un empêchement, avant de prévoir une rupture de contrat, il est donc recommandé de rechercher s’il existe d’autres moyens possibles de remplir les obligations avec comme objectif général de maintenir la continuité de la chaîne d’approvisionnement. Il est également important de se rappeler que votre activité n’est pas la seule concernée par l’épidémie, mais qu’il s’agit d’un phénomène mondial. Ainsi, le fonctionnement de vos clients pourrait également être paralysé, et en conséquence, le défaut d’exécution de votre obligation n’aura pas forcement d’impact significatif sur leur activité.

Communication et compréhension du cadre réglementaire national 

La communication est un élément clé pour maintenir des relations commerciales fructueuses, et surtout dans les situations critiques comme celle que nous vivons actuellement. Il convient de rappeler qu’en cas de transactions commerciales transfrontalières, les différences culturelles doivent être prises en compte.

Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit que, même au sein de l’Union européenne, chaque pays a ses propres actions et restrictions liées à la crise de coronavirus. En conséquence, les mesures prises en France ne s’appliquent pas forcément au fonctionnement des entreprises polonaises, par exemple. Une approche cohérente et une compréhension des mesures locales, liées aux réglementations et aux restrictions, ont toute leur importance dans l’élaboration d’un plan stratégique pour la crise épidémique. Le cadre réglementaire s’adapte à la situation de chaque pays laquelle est en constante évolution. Par conséquent, il est également essentiel de ne pas oublier de revoir les mises à jour et de consulter ce cadre avec les directives nationales liées à son application, afin de bien saisir les nuances juridiques propres à chaque juridiction.

En France, l’art. 11 de la loi adoptée le 23 mars 2020, permet au gouvernement  de prendre, jusqu’au 24 juin, par ordonnances, certaines mesures qui devaient auparavant être votées par le corps législatif [1].  De nombreuses mesures ont été déjà prises dont notamment l’ordonnance relative au défaut de paiement des loyers des baux commerciaux, des factures d’eau et d’électricité par les entreprises touchées par l’épidémie de coronavirus. Son article 4 précise qu’aucune pénalité financière ne sera imposée et qu’aucun intérêt de retard ne sera facturé aux entreprises qui n’auront pas payé leur bail commercial, et les autres charges qui en découlent, qui auraient dû être payés entre le 12 mars et deux mois après la déclaration de l’urgence sanitaire par le gouvernement français[2]. Attention les échéances ne sont pas annulées mais reportées. Toutefois, ces règles s’appliquent seulement aux très petites entreprises (mois de 10 salariés) très durement touchées par la crise et qui remplissent certaines conditions.

Rassemblement des preuves et couverture d’assurance

Nous recommandons à nos clients d’obtenir toute preuve pertinente concernant des événements ayant une incidence sur l’exécution de leurs accords commerciaux. Un événement peut également avoir une importance pour établir des éventuels fondements juridiques de l’inexécution du contrat telles que décrites dans les articles relatifs à la force majeure et au hardship. N’hésitez pas à consulter les articles précédents pour plus de détails.

Il est rappelé que chaque détail  concernant les éléments de preuve aura son importance dans la mesure où la charge de la preuve incombe à la partie non-exécutante.

Au-delà du réexamen des accords contractuels liant les parties, Verne Legal rappelle l’importance d’évaluer la couverture d’assurance disponible. L’efficacité de la réclamation dépend souvent de sa rapidité. Or, les délais de déclaration diffèrent pour chaque police d’assurance. L’étendue de l’assurance peut également différer ; certaines peuvent fournir une couverture en cas d’interruption et d’autres peuvent également couvrir les cas de force majeure ou les risques politiques. Il convient de noter que la plupart des polices exigent une perte physique directe pour les biens, les clients ou les fournisseurs. Toutefois, les dispositions particulières sont contenues dans les conditions générales et la notice d’assurance, qui doivent être examinées avec soin. Par  une ordonnance de référé rendue le 22 mai 2020, le tribunal de commerce de Paris a ordonné à une compagnie d’assurance d’indemniser un restaurateur pour les pertes d’exploitation subies en raison de la crise sanitaire du coronavirus.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de rappeler que pour évaluer toute situation contractuelle, une analyse factuelle spécifique est nécessaire. L’équipe juridique de Verne est en mesure d’assister toutes les entreprises sur leur situation contractuelle ainsi que sur les dispositions obligatoires qui s’appliquent aux entreprises ayant leur activité en France. Pour une actualisation quotidienne, suivez-nous sur Linkedin.

Iga Kurowska                                                      Ewa Kaluzinska
Verne Legal, Partner                                    Verne Legal, Avocat associé

Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet: info@vernelegal.com.

[1] Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (publié au JO du 24 mars)

[2] Article 4 de l’Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de COVID-19

Implantation des outils Legaltech dans notre cabinet – Intervention de notre associé, Ewa Kaluzinska, dans le podcast LegalTech Lab

Post title

3 juin 2020

Nous tenons à vous informer que l’associé de notre cabinet, Maître Ewa Kaluzinska, est intervenue dans l’épisode du Podcast LegalTech Lab, au sujet d’implantation des outils LegalTech dans le travail du cabinet Verne Legal.

Pendant la conversation elle a pu partager ses expériences relatives au recours aux outils informatiques dans le travail d’avocat. Elle a raconté comment la profession a évalué avec la transformation digitale, comment se passe l’implantation au sein d’équipe du cabinet, comment les outils LegalTech servent aux clients de Verne Legal et quelles sont les avantages et les risques venant de la dématérialisation de certaines tâches juridiques.

Au sein de Verne Legal, nous croyons dans l’innovation en tant que voie d’amélioration du service-client. Nous utilisons des outils permettant la dématérialisation des assemblés généraux des sociétés, la révision de contrats et la tenue des visioconférences, parmi d’autres. Nous optons pour la digitalisation, plaçant au même temps la cyber sécurité et la confidentialité au centre de nos priorités. Pour cela, nous utilisons des solutions certifiées, faites pour des avocats et nous participons activement dans l’amélioration et la création de celles-ci.

Pour écouter la conversation en polonais cliquez ici. Pour plus d’actualités sur la LegalTech en Pologne et ailleurs, veuillez suivre LegalTech Lab.

Coronavirus et contrats commerciaux internationaux: perspective du droit français (II)

Post title

30 mars 2020

Dans l’article précédent, nous nous sommes interrogés si la force majeure pouvait être invoquée pour suspendre ou mettre fin à l’exécution des obligations contractuelles en raison de l’épidémie de Coronavirus. Nous avons démontré que la réponse à cette question dépend de nombreux facteurs. Pour cette raison, nous consacrerons la deuxième partie de notre série d’articles à un autre mécanisme, l’imprévision, qui a été introduit en droit français par la réforme de 2016 [1].

En effet, l’imprévision, aussi appelée “hardship”, peut servir de justification à l’inexécution des contrats en cas de situations épidémiques telles que le Covid-19.

Pour commencer, nous expliquerons le concept de l’imprévision en droit français (I) qui est supposé régir le contrat commercial international (II). Ensuite, nous présenterons son application dans le contexte actuel d’épidémie de Coronavirus (III).

1. Qu’est-ce que l’imprévision (hardship) ?

Le Code civil français définit l’imprévision dans son article 1195. En droit français, une partie à un contrat conclu à partir du 1er octobre 2016 peut demander à son cocontractant de renégocier les termes du contrat si un changement de circonstances, imprévisible au moment de la conclusion du contrat (1), rend son exécution excessivement onéreuse (2) et si cette partie n’a pas accepté de supporter les risques d’un tel changement de circonstances (3). Les trois conditions ci-dessus sont donc nécessaires pour que l’imprévision produise ses effets.

Contrairement à la force majeure, en cas d’imprévision, l’exécution du contrat ne devient pas impossible pour l’une des parties, mais le coût de cette exécution devient excessivement élevé.

Il convient toutefois de noter que les parties peuvent également avoir adapté spécifiquement la disposition légale de l’imprévision à leur situation particulière ou avoir convenu de renoncer aux dispositions légales sur l’imprévision qui auraient pour conséquence de supporter sur les parties les risques d’un coût excessif d’exécution en raison d’un changement imprévisible des circonstances.

En outre, par opposition à la force majeure qui permet la suspension ou la résiliation du contrat, en cas de clause de hardship, il existe de nombreuses issues possibles. Si l’autre partie refuse la négociation ou si la discussion échoue, les parties peuvent alors soit résilier le contrat à une date et dans des conditions dont elles conviennent, soit convenir de demander à un juge d’adapter le contrat aux nouvelles circonstances. En outre, si les parties ne parviennent pas à un accord dans un délai raisonnable, l’une ou l’autre des parties peut s’adresser au juge afin de réviser les termes du contrat ou de le résilier, à une date et aux conditions déterminées par le juge. Toutefois, il est essentiel que, pendant la négociation, les parties continuent à exécuter les obligations du contrat.

2. L’imprévision dans le cadre les contrats commerciaux internationaux

Bien que l’imprévision n’ait été introduite dans le Code civil français que récemment, elle était déjà utilisée dans les contrats commerciaux internationaux. L’article 6.2.2. des principes d’UNIDROIT [2] définit l’imprévision comme une situation où la survenance d’événements modifie fondamentalement l’équilibre du contrat, à condition que ces événements répondent à des exigences données :

a) les événements se produisent ou deviennent connus de la partie lésée après la conclusion du contrat ;
b) les événements ne pouvaient raisonnablement pas être pris en compte par la partie lésée au moment de la conclusion du contrat ;
c) les événements sont indépendants de la volonté de la partie lésée ; et
d) le risque des événements n’a pas été assumé par la partie défavorisée.

La même définition est fournie par les principes du droit européen des contrats dans son article 6.111.

Comme il a été mentionné pour la force majeure, lorsque le droit français régit la relation contractuelle et que celle-ci concerne la vente transfrontalière de marchandises, nous nous référerons à la Convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM), lorsque son application n’a pas été explicitement exclue par les parties contractantes. Il apparaît cependant que l’imprévision ne soit pas couverte par la CVIM.

Bien que les tribunaux français n’aient pas encore eu à se prononcer sur l’application de la CVIM dans le contexte des ventes internationales de marchandises, on peut imaginer que leur décision serait similaire à celle de nos voisins belges. Dans l’affaire Scafom International [3] de 2009, la Cour suprême belge a appliqué l’article 79 [4] de la CVIM en déclarant que “un changement de circonstances qui n’était pas raisonnablement prévisible lors de la conclusion du contrat et qui est incontestablement de nature à aggraver la charge de l’exécution du contrat peut, dans certains cas, constituer un “empêchement” au sens de la convention”.

Ainsi, on peut conclure qu’il est très probable que le tribunal français inclurait également la difficulté dans le champ d’application de l’article 79 de la CVIM, afin de suivre l’art. 7(a) de la CVIM et de combler les insuffisances du traité de manière uniforme avec les principes généraux qui régissent le droit du commerce international [5].

En tout état de cause, la probabilité d’admettre l’imprévision est renforcée par le fait que la seule alternative possible à l’utilisation de l’article 79 dans les contrats internationaux de vente de marchandises serait justifiée par l’article 7(b) de la CVIM qui suppose l’application de la loi applicable en vertu des règles du droit international privé, ou celle convenue dans la disposition contractuelle. Ainsi, en cas d’application de la loi française, il convient de revenir vers les termes de l’article 1195 du Code civil français précité.

3. L’imprévision et la pandémie du Coronavirus

Dans le cas où la pandémie du COVID-19 et les mesures qui en découlent ne rempliraient pas les conditions pour être qualifiées d’événements de force majeure, mais rendraient néanmoins à une partie l’exécution de ses obligations contractuelles plus onéreuse, à notre avis cette partie pourrait prétendre au bénéfice de l’imprévision.

Toutefois, l’article 1195 du Code civil français n’ayant pas été suffisamment interprété, nous ne disposons pas d’indications claires sur l’application de cette disposition. Ainsi, la formulation du contrat est ici cruciale : si le contrat est muet sur ce point, alors les juges seront libres d’interpréter les termes de l’article 1195 du Code civil français. Certaines questions peuvent concerner l'”imprévisibilité” – à savoir si la pandémie du COVID-19 et les mesures de prévention qui y sont liées étaient “imprévisibles” pour les parties à des contrats conclus à un moment où il était de notoriété publique que le COVID-19 avait commencé à se propager, ou si le prix est “excessivement excessif”.

Compte tenu de ce qui précède, pour les entreprises qui envisagent de notifier la volonté d’appliquer l’imprévision ainsi que pour les entreprises qui reçoivent ces notifications, il est important de réviser l’accord en question, ainsi que les autres contrats liant les parties. Il est également rappelé que pour évaluer toute situation contractuelle, une analyse factuelle spécifique est nécessaire.

Des aspects plus pratiques de l’examen d’un accord contractuel international dans cette situation critique d’épidémie de Coronavirus seront présentés dans la troisième partie de cette série d’articles. En attendant, l’équipe juridique de Verne Legal reste à disposition pour assister toutes les entreprises dans leurs relations contractuelles ainsi que sur les autres mesures obligatoires s’appliquant aux entreprises ayant leur activité en France.

Verne Legal se tient disponible pour conseiller toutes les entreprises sur leur situation contractuelle ainsi que sur les autres mesures obligatoires applicables aux entreprises ayant leur activité commerciale en France.

Iga Kurowska                                                                              Nicolas Renault
Verne Legal, Partner                                                                    Verne Legal, Juriste

Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet : info@vernelegal.com.

[1] Le 1er octobre 2016, l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, modifiant les dispositions du Code civil français relatives au droit des contrats et au régime général et à la preuve des obligations, est entrée en vigueur.
[2] Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international
[3] Cour de cassation de Belgique, 19 juin 2009 (Scaform International BV c. Lorraine Tubes S.A.S.) [http://cisgw3.law.pace.edu/cases/090619b1.html].
[4] En vertu de l’article 79, paragraphe 1, de la CVIM, une partie n’est pas responsable de l’inexécution d’une de ses obligations si elle prouve que l’inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et qu’on ne pouvait raisonnablement attendre d’elle qu’elle prenne en compte cet empêchement au moment de la conclusion du contrat ou qu’elle l’évite ou le surmonte ou qu’elle en subisse les conséquences. La même disposition couvre la force majeure.
[5] Article 7(1) et 7(2) de la CVIM, tel que commentés par Harry M. Flechtner, dans “The Exemption Provisions of the Sales Convention, Including Comments on “Hardship” Doctrine and the 19 June 2009 Decision of the Belgian Cassation Court” Belgrade Law Review, Year LIX (2011) disponible en ligne à l’adresse <http://cisgw3.law.pace.edu/cisg/biblio/flechtner10.html>

Coronavirus et contrats commerciaux internationaux: perspective du droit français (I)

Post title

19 mars 2020

En raison de l’épidémie mondiale de Covid-19, de nombreuses entreprises ayant leur activité commerciale en France rencontrent des difficultés avec les contrats commerciaux.

En effet, elles se trouvent dans l’impossibilité d’exécuter leurs propres obligations ou subissent les conséquences d’une telle inexécution par d’autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement, voire, le plus souvent, les deux.

Dans cet article, Verne Legal présente une brève analyse d’un principe juridique potentiellement applicable – force majeure à l’épidémie actuelle de Covid-19.

À cet égard, nous analysons si l’épidémie de coronavirus peut être admise comme cas de force majeure dans l’hypothèse où la loi française régit la relation contractuelle.

Dans un premier temps, nous verrons ce que la force majeure signifie exactement en droit français (I). Dans un deuxième temps, nous présenterons la jurisprudence française relative à cette question et son adéquation avec la situation actuelle (II).

1. Qu’est-ce qu’un cas de force majeure?

La force majeure est un événement indépendant de la volonté de l’une ou l’autre des parties contractantes, tels qu’une catastrophe naturelle, un événement politique majeur ou une grave crise sanitaire.

Une clause contractuelle dite de force majeure permet à une partie de suspendre temporairement ou définitivement l’exécution de ses obligations contractuelles. Si la partie invoque comme motif la survenance d’un cas de force majeure, elle ne sera pas considérée comme défaillante et donc responsable d’une rupture du contrat du fait d’une telle inexécution.

Pour être qualifié de force majeure, l’événement doit remplir les critères suivants, de manière cumulative :

1. l’événement imprévisible : qui n’avait pas pu être raisonnablement prévu au moment de la conclusion du contrat ; et
2. l’évènement extérieur : qui échappe au contrôle de la partie concernée et qui est extérieur à ses actions ; et
3. l’évènement irrésistible : les effets d’un tel événement auraient pu être évités par des mesures appropriées.

Ce qui est intéressant, c’est que les mêmes critères s’appliquent aux contrats de vente internationale de marchandises régis par Convention de Vienne (CVIM) [1].

De nombreux contrats commerciaux internationaux sont concernés étant donné que la CVIM est applicable tant qu’elle n’a pas été explicitement exclue par les parties. Le cas de force majeure, qualifié d’empêchement, est prévu par son article 79.

Le coronavirus peut-il être considéré de cas de force majeure selon la loi française ?

Comment les tribunaux français ont traité les autres situations épidémiques dans le passé ?

2. Situations épidémiques passées dans les décisions des tribunaux français

Dans la grande majorité des cas, les juges français ont refusé de qualifier les pandémies comme des événements de force majeure. Notamment, concernant la peste bacillaire [2], le virus de la dengue (DENV) [3] ou le virus du chikungunya (CHIKV)[4].

Concernant le H1N1, une grippe associée à la grippe espagnole de 2009, les juridictions françaises ont décidé que la propagation du virus avait été largement annoncée et prévue avant même l’adoption de mesures sanitaires appropriées [5]. Par analogie, on pourrait considérer que pour l’épidémie de Covid-19, la date d’information publique initiale devrait remonter à décembre 2019, époque à laquelle le coronavirus se répandait largement en Chine.

On pourrait également s’interroger sur le caractère irrésistible de l’épidémie actuelle. En 2009, concernant le H1N1 précité, la Cour d’Appel de Nancy a jugé que « seulement 5 % de la population a été touchée et que l’on peut s’en prémunir par des mesures de prévention » [6].

Or, il convient de noter qu’à la date du 15 mars 2020, seulement 3 % de la population était concernée par le virus Covid-19. Cependant, il est également important de souligner que la situation sera appréciée a posteriori et dans sa globalité.

Ainsi, pour apprécier le caractère irrésistible de la crise actuelle, des mesures telles que celles annoncées le 14 mars 2020 par le Premier ministre français Édouard Philippe, concernant la fermeture des lieux publics « non essentiels » seraient d’une grande importance.

Pour les entreprises qui envisagent d’émettre des avis de force majeure ainsi que les entreprises qui les reçoivent, il est important de revoir les clauses figurant dans l’accord concerné ainsi que d’autres contrats liant les parties contractantes.

Cependant, il convient de rappeler que pour évaluer toute situation contractuelle, une analyse factuelle sera nécessaire.

D’autres aspects pratiques de l’examen d’un accord contractuel international dans cette situation de l’épidémie de coronavirus seront présentés dans la troisième partie de cette série d’articles. La deuxième partie sera consacrée à une autre justification légale potentielle de l’inexécution du contrat : l’imprévision.

Verne Legal se tient disponible pour conseiller toutes les entreprises sur leur situation contractuelle ainsi que sur les autres mesures obligatoires applicables aux entreprises ayant leur activité commerciale en France.

      Ewa Kaluzinska                                 Nicolas Renault                          Iga Kurowska
Verne Legal, Avocat associé                    Verne Legal, Juriste                Verne Legal, Partner

Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet : info@vernelegal.com.

[1] Convention sur la vente internationale de marchandises (CVIM)
[2] CA Paris, 25 septembre 1998
[3] CA Nancy, 22 novembre 2010 – n ° 09/00003
[4] CA Basse-Terre, 17 décembre 2018– n ° 17/00739
[5] CA Besançon, 8 janvier 2014 – n ° 12/02291
[6] CA Nancy, 22 novembre 2010 – n ° 09/00003 «car seulement 5% de la population a été touchée et que l’on peut s’en prémunir par des mesures de prévention»

Crise sanitaire due a l’épidémie du « Coronavirus COVID-19″

Post title

Le 15 mars 2020

Face à l’épidémie du Coronavirus Covid-19, une cellule de continuité économique

a été activée par le gouvernement français pour mieux gérer l’impact sur l’économie à travers une prise quotidienne de décisions.

Pour l’instant, les mesures mises en place sont les suivantes : 

1. Des délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales (URSSAF, impôts): 

  • Si vous êtes une entreprise (ou si vous êtes expert-comptable et intervenez pour des clients dans cette situation), vous pouvez demander à votre service des impôts des entreprises le report sans pénalité du règlement de vos prochaines échéances d’impôts directs (acompte d’impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires).
    Si vous avez déjà réglé vos échéances de mars, vous avez peut-être encore la possibilité de vous opposer au prélèvement SEPA auprès de votre banque en ligne. Sinon, vous avez également la possibilité d’en demander le remboursement auprès de votre service des impôts des entreprises, une fois le prélèvement effectif.
  • Si vous êtes travailleur indépendant, nous vous rappelons que vous pouvez moduler à tout moment votre taux et vos acomptes de prélèvement à la source. Vous pouvez aussi reporter le paiement de vos acomptes de prélèvement à la source sur vos revenus professionnels d’un mois sur l’autre jusqu’à trois fois si vos acomptes sont mensuels, ou d’un trimestre sur l’autre si vos acomptes sont trimestriels. Toutes ces démarches sont accessibles via votre espace particulier sur impots.gouv.fr, rubrique « Gérer mon prélèvement à la source » : toute intervention avant le 22 du mois sera prise en compte pour le mois suivant.
  • Si vous avez un contrat de mensualisation pour le paiement de votre CFE ou de votre taxe foncière, vous avez la possibilité de le suspendre sur impots.gouv.fr ou en contactant votre Centre prélèvement service : le montant restant vous sera prélevé au solde, sans pénalité.

 

2. Dans les situations les plus difficiles, des remises d’impôts directs pouvant être décidées dans le cadre d’un examen individualisé des demandes ;

3. Un soutien de l’Etat et de la Banque de France (médiation du crédit) pour négocier avec sa banque un rééchelonnement des crédits bancaires ;

4. La mobilisation de Bpifrance pour garantir des lignes de trésorerie bancaires dont les entreprises pourraient avoir besoin à cause de l’épidémie ; 

5. Le maintien de l’emploi dans les entreprises par le dispositif de chômage partiel simplifié et renforcé ;

6. L’appui au traitement d’un conflit avec des clients ou fournisseurs par le Médiateur des entreprises ;

7. La reconnaissance par l’Etat et les collectivités locales du Coronavirus comme un cas de force majeure pour leurs marchés publics. En conséquence, pour tous les marchés publics d’Etat et des collectivités locales, les pénalités de retards ne seront pas appliquées.

Dans sa déclaration du 14 mars, M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre, a annoncé la fermeture des commerces non essentiels (les bars, cafés, restaurants, cinémas…). Il a concédé lors d’un échange avec la presse que la France avait désormais atteint le stade 3 de la pandémie. 

Verne Legal reste à la disposition de ses clients pour les accompagner dans la gestion de la crise actuelle. Nous doublons nos efforts pour être à la hauteur de vos demandes. 

Afin d’assurer la sécurité de notre personnel, nous sommes joignables par téléphone/email/vidéoconférence. Nous vous rappelons nos coordonnées :
Tel : + 33 (0) 4 30 05 09 04
email: info@vernelegal.com 

Iga Kurowska
Verne Legal, associé

Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet : info@vernelegal.com.

Blockchain et simplification de la vie juridique des entreprises en France (III)

Post title

Le 3 mars 2020

Nous avons évoqué, dans les articles précédents, le progrès de la France dans le processus de digitalisation du monde des affaires avec notamment l’adoption de la technologie blockchain. 

Par la présente publication, nous poursuivons l’éclairage sur la question à savoir comment la blockchain participe-t-elle réellement dans l’accompagnement juridique de la vie des entreprises.

Après avoir présenté dans la première partie, Les registres de sociétés dématérialisés (I) et dans seconde – La protection de la propriété intellectuelle (II), nous abordons cette fois le cadre de la data room dématérialisée et les pratiques d’un audit pré-acquisition d’entreprise. Nous terminerons la série avec la photographie sur le sujet de la blockchain et la force probatoire des éléments qui y sont ancrés (IV).

La blockchain en deux mots : sécurité et immédiateté 

Dans les parties I et II de notre série, nous avons brièvement rappelé ce qu’est la blockchain, et présenté très schématiquement son fonctionnement et ses qualités exceptionnelles. 

Il a été notamment cité l’une des définitions de la blockchain: «La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle» [1].

Il s’agit, en effet, d’une base de données sur laquelle sont enregistrés des événements ou des éléments regroupés par « blocks » et dont l’historique est retracé et figé dans l’ordre chronologique.  

D’une part, les éléments sont ancrés de façon immuable. D’autre part, on dit qu’ils sont partagés entre les différents utilisateurs, sans intermédiaire. Mais les éléments restent invisibles donc confidentiels car la transmission ne porte pas sur les éléments eux-mêmes mais sur une partie de code qui les représente.   Ils sont donc à la fois mobiles et immuables ! 

Ce caractère d’inaltérabilité et de confidentialité est très intéressant pour le domaine du droit des affaires et commence à être exploité, par exemple dans le cadre des audits des opérations des fusions et acquisitions.  

La blockchain et due diligence : la data room dématérialisée et sécurisée 

L’utilisation de la blockchain a modifié les certaines pratiques d’audit et les accords dans le cadre des négociations préalables à des opérations de fusion-acquisition. 

La confidentialité des informations partagées dans le cadre des négociations préalables avec des partenaires, des employés ou des consultants est un souci majeur dans le cadre des M&A. S’y ajoute une autre contrainte, celle liée à la complexité de gestion d’un très grand nombre de documents ou d’informations dans un laps de temps précis et limité.

Aujourd’hui, la technologie blockchain offre la possibilité de sécuriser et simplifier le processus, ce qui renforcera la protection d’intérêts de l’entreprise cible. 

A la suite des premiers contacts entre les parties, les négociations commencent par une lettre d’intention du potentiel acheteur  laquelle contient, autre une ? offre préalable, les éléments à la fois financiers et juridiques dont l’investisseur souhaite prendre connaissance pour ajuster sa proposition.  

Il est très fréquent qu’à ce stade une clause ou un accord autonome de confidentialité, appelé communément un NDA (agl. non disclosure agreement) soit mis en place dans la mesure où les mécanismes du droit civil de l’obligation de négociation de bonne foi et de confidentialité n’offrent pas la protection suffisante en raison de leur grande généralité. 

L’efficacité d’un NDA consistera alors dans sa précision. Outre les éléments comme les personnes destinataires des information confidentielles, la durée de confidentialité il sera essentiel d’identifier rigoureusement les informations qui seront considérées comme confidentielles. 

Notamment, il est possible de stipuler une clause prévoyant d’ancrer dans la Blockchain tous les documents contenant des informations confidentielles pour assurer la preuve de leur existence. 

En effet, un accès aux informations de la cible est donné à un certain nombre de personnes dans le cadre d’une data room. Dans le passé une pièce physique, aujourd’hui, le plus souvent il s’agit d’un espace en ligne sur lequel sont placés des documents regroupant des informations juridiques, comptables, financières, fiscales ou encore sociales de la cible. 

Or, une data room virtuelle (virtual data room soit VDR) placée sur une blockchain offre des avantages inestimables dans ce type d’opérations. Notamment, la sécurité et confidentialité des documents mis à disposition ; celle -ci se faisant sans « dépossession » donc sans risque de modification ou destruction. Également, un contrôle strict d’accès aux informations par des personnes autorisées à y accéder et qui sont clairement identifiées. La dématérialisation représente par ailleurs une facilité matérielle évidente, surtout en situation d’éloignement géographique des parties, comme dans les opérations transfrontalières, ayant pour conséquence une réduction du coût et du temps de l’audit considérable. 

L’efficacité des data room dématérialisés rend les audits accessibles même pour les entreprises de taille moyenne voire pour les petites entités. Le renforcement de la confidentialité et de la traçabilité des consultations des documents limite considérablement le facteur d’insécurité des data room. Ces progrès obtenus en grande partie grâce à l’utilisation de la blockchain contribueront à l’augmentation des audits pré-acquisition et à la sécurisation de ces opérations. 

L’utilisation de la blockchain permettra, par ailleurs, aux parties à l’opération de se procurer des preuves nécessaires en cas de litige, sujet qui sera abordé dans une quatrième partie de notre série sur l’application de la blockchain dans le domaine du droit des affaires. 

        Ewa Kaluzinska                                                                     Nicolas Renault
Verne Legal, Avocat associé                                                        Verne Legal, Juriste

Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet : info@vernelegal.com.

[1] https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/

Blockchain et la simplification de la vie juridique des entreprises en France (II)

Post title

3 février 2020

Avec l’adoption de plus en plus large de la technologie blockchain, la France progresse dans le processus de digitalisation du monde des affaires. Nous allons poursuivre notre éclairage pour répondre à la question : comment participe-t-elle réellement dans l’accompagnement juridique de la vie des entreprises ?

Après avoir présenté en première partie Les registres de sociétés dématérialisés, nous évoquerons ci-après une deuxième application en droit des affaires : la protection de la propriété intellectuelle (II). Elle sera suivie des deux autres parties : la data room dématérialisée (III) et en tant que moyen de preuve (IV).

La blockchain en deux mots : sécurité et immédiateté

Comme il a été vu dans la première partie, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations par « blocks », transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.

Cette technologie permet de retracer l’historique de ces informations et permet de les horodater. 

Il s’agit en fait d’une base de données sur laquelle sont enregistrés des transactions ou événements regroupés par « blocks » qui se suivent et dont l’historique est retracé et figé. Ces événements sont classés par ordre chronologique pour être partagés par les différents utilisateurs 

Mais en quoi la blockchain est-elle si révolutionnaire en termes de sécurité ? 

Le partage permet à chacun de vérifier et authentifier chaque opération. Ainsi, la modification est impossible et la chaîne, donc la base de données, devient immuable. 

Indiscutablement, ce caractère d’inaltérabilité est très intéressant pour le domaine juridique et notamment pour la protection de la propriété intellectuelle et industrielle.

La blockchain et la protection de la propriété intellectuelle

L’utilisation de la blockchain pour protéger d’une façon simple et rapide la propriété intellectuelle se répand également de plus en plus.  

En effet, la course au progrès technologique suscite un très grand nombre de projets innovants soumis à l’exigence d’enregistrement quasi instantané des avancements dans les travaux de développement.

Or, pour faire valoir son droit d’auteur, ce dernier doit être en mesure de démontrer sa qualité de réel créateur de l’invention revendiquée, d’une part, et son antériorité par rapport aux autres, d’autre part.

L’enregistrement auprès de l’INPI de solution innovante n’est pas possible pour toutes les inventions et peut par ailleurs s’avérer onéreux alors que, le plus souvent, à ce stade, le concept n’a pas encore fait ses preuves.  Des moyens intermédiaires utilisés comme l’enveloppe Soleau, le dépôt auprès d’un huissier ou d’un notaire sont, soit peu efficaces, soit également coûteux, ou les deux à la fois.

Dans ce domaine également l’utilisation de la blockchain pourrait révolutionner les moyens de preuves de la paternité de l’invention et de sa date de création.

En effet, la blockchain permet d’obtenir instantanément la date et l’heure d’enregistrement d’une création par son ancrage dans la base de données. Ainsi, si l’on attache un « hash » au texte décrivant l’invention ou la création, on disposera alors d’une date certaine pouvant être opposée au titre de la possession personnelle antérieure.

Il s’agit d’une possibilité à la fois d’automatisation du processus d’enregistrement d’une solution et d’obtention de traçabilité infalsifiable, tout au long de l’évolution et de la vie d’une invention puisque l’ensemble des opérations la concernant (étapes de création, cession, licence) peut être ainsi gravé.

L’ancrage dans la blockchain permet de se procurer une preuve de la conception d’invention valable (comme l’originalité ou le pays dans lequel les articles fabriqués à partir de dessin ou modèle ont été commercialisés pour la première fois), de son statut et de son évolution. A titre d’exemple, il deviendrait possible de reproduire les traces de l’exploitation des œuvres numériques, ce qui est impossible aujourd’hui, et le cas échant, de contester certaines exploitations.

Un usage encore différent de la technologie blockchain a trouvé son application dans le domaine des brevets. En effet, chaque exemplaire fabriqué est enregistré dans la chaîne de blocs au moyen d’une identification unique permettant de contrôler la circulation du produit. Ce procédé offre notamment la possibilité de distinguer les produits authentiques des produits issus de la contrefaçon ou encore d’établir le nombre d’exemplaires authentiques en circulation. Il participera également dans le renforcement de la lutte contre la contrefaçon ou toute autre fraude.

Le processus de protection sécurisé, simplifié et peu onéreux renforcerait la position des auteurs et inventeurs qui sont aujourd’hui souvent désarmés face au pillage des idées et des procédés. Grâce aux plateformes proposant l’ancrage dans la blockchain de divers éléments, une création résultant d’une idée devient réellement protégeable. 

Ce progrès dans la protection de la propriété intellectuelle par la technologie blockchain, que certains n’hésitent pas à qualifier de révolutionnaire, bouleversera également le rapport de forces économiques. En effet, les actifs immatériels sont la seule véritable richesse des entreprises des nouvelles technologies, et donc la seule garantie que les start-ups peuvent offrir aux investisseurs.  

Les qualités de conservation des éléments sur la blockchain renforcent d’autant plus l’importance des actifs immatériels dont la preuve ainsi instituée sera valable tant dans le pays d’origine que partout dans le monde, comme il sera expliqué dans la quatrième partie, La blockchain – bien ou mal aimée des tribunaux français et étrangers. 

Dans le prochain article, il sera présenté une troisième application de la blockchain dans le domaine du droit des affaires : la data room dématérialisée.

        Ewa Kaluzinska                                                                     Nicolas Renault
Verne Legal, Avocat associé                                                        Verne Legal, Juriste

Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet : info@vernelegal.com.

Blockchain et la simplification de la vie juridique des entreprises en France (I)

La France progresse dans le processus de
digitalisation du monde des affaires avec
l’adoption notamment de la technologie blockchain.

Post title

La France progresse dans le processus de digitalisation du monde des affaires avec l’adoption notamment de la technologie blockchain. Comment participe-t-elle réellement dans l’accompagnement juridique de la vie des entreprises ?

Nous présentons plus en détail quatre applications concrètes : les registres de sociétés dématérialisés (I), la protection de la propriété intellectuelle (II), la data room dématérialisée (III) et en tant que moyen de preuve (IV). 

La blockchain en deux mots : sécurité et immédiateté 

Il est courant d’entendre parler de la blockchain et de ses avantages. Cependant, de quoi s’agit-il exactement et en quoi est-elle si révolutionnaire en termes de sécurité ? 

 Selon la plateforme Blockchain France ,« La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle » [1].

Autrement dit, il s’agit d’une base de données sur laquelle sont enregistrés des opérations regroupées par « blocks » qui se suivent et dont l’historique est retracé et figé. Ces événements sont classés par ordre chronologique pour être partagés par les différents utilisateurs mais sans être copiés à chaque fois et  sans intermédiaire. Ce partage permet à chacun de vérifier et authentifier chaque opération qui est ajoutée block par block à la chaîne.

Ainsi, la modification est impossible et la chaîne, donc la base de données, devient immuable. Et tout cela, quasiment instantanément en fractions de secondes. 

Indiscutablement, ce caractère d’inaltérabilité est très intéressant pour le domaine juridique. 

Mais en pratique, quelles applications de la blockchain pourraient être mises au service des entreprises, des PME, des ETI ou des groupes internationaux ? Ci-après, le premier exemple d’utilisations possibles dans le domaine juridique des affaires : les registres de sociétés dématérialisés. 

La blockchain et les registres de sociétés dématérialisés

Depuis 2017, la règlementation française a ouvert progressivement des possibilités de dématérialiser les registres légaux tenus par les sociétés de toute forme. Il s’agit des registres liés à la vie de la société comme le registre des mouvements des titres, les registres des différentes décisions d’organes ou le registre unique du personnel. 

En premier lieu, l’inscription dans une blockchain de l’émission ou la cession de titres financiers, par exemple des actions, a été autorisée. A partir de ce moment, un registre de mouvements de titres d’une société, jusqu’alors tenu obligatoirement sous forme papier, peut être dématérialisé. Il peut avoir une forme numérique incomparablement plus sûre grâce à la blockchain. 

Une telle sécurisation des registres et la simplification de leur tenue, constituent une avancée considérable pour les PME, en particulier pour les start-ups.

En effet, l’inscription au registre constitue la preuve de propriété d’une action dans une société par actions, comme une SAS. La tenue des registres est imposée par les dispositions du code de commerce [2]  et du Code monétaire et financier [3]. 

D’ailleurs, les juridictions rappellent régulièrement que la seule production d’un ordre de mouvement de titres n’est pas suffisante pour présumer de la légitime propriété d’actions [4]. 

Ainsi, avec le dispositif ancré dans la blockchain, les investissements dans les sociétés françaises sont parfaitement sécurisés. 

Désormais, les petits investisseurs peuvent être rassurés : jamais plus leur mise dans le capital d’une start-up en forte croissance ne sera noyée, voire perdue (oui, oui cela arrive !) à la suite d’une énième levée de fonds (faite en urgence bien évidemment) ! 

La dernière étape de la dématérialisation des registres en France s’est achevée en novembre 2019, avec la dématérialisation des registres de délibérations. Désormais, la plupart de registres sociétaux et les documents qu’ils consignent, peuvent être tenus sous forme numérique. 

Ainsi, à l’heure actuelle, les sociétés peuvent établir et conserver sous forme électronique les documents sociaux suivants :

  • les procès-verbaux des assemblées et des consultations écrites des associés (ou de l’associé unique quand cela est autorisé) de société par action simplifiée (SAS), de société anonyme (SA), de société à responsabilité limitée (SARL), société en nom collectif (SNC), et société en commandite simple (SCS) ou commandite par actions, ainsi que le registre sur lequel ils sont consignés ; 
  • le registre de présence des réunions des différents organes, par exemple du conseil d’administration et du conseil de surveillance de SA,  du Président de SAS etc… ainsi que les procès-verbaux des délibérations de ces organes et le registre sur lequel ils sont conservés 
  • le registre des procès-verbaux des décisions collectives des associés de sociétés civiles (par exemple les SCI) .

 

Également, les documents déposés sur le registre dématérialisé pourront eux-mêmes avoir une forme électronique, à savoir être authentifiés par une signature électronique.  

Par ailleurs, pour remplir les conditions légales, la signature électronique apposée sur les documents lors de leur établissement ou de leur certification doit répondre au moins aux exigences de la signature électronique avancée (à la différence de la signature « simple » ou « qualifiée »), c’est-à-dire celle qui est prévue à l’article 26 du règlement dit « eIDAS ».

Ces derniers bouleversements démontrent que la France cherche à dématérialiser dans la mesure du possible les registres et documents tenus par les sociétés. 

Dans le prochain article, il sera présenté une seconde application de la blockchain dans le domaine du droit des affaires : La blockchain et la protection de la propriété intellectuelle.

        Ewa Kaluzinska                                                                     Nicolas Renault
Verne Legal, Avocat associé                                                        Verne Legal, Juriste

Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet : info@vernelegal.com.

[1] https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/ 
[2] L’article L. 228-1 du Code de commerce
[3] Les articles L 211-16 et L 211-17 du Code monétaire et financier
[4] Cour d’appel de Paris du 11 janvier 2018 (n°16/10056)