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9 juin 2020
Dans les deux articles précédents, nous avons recherché si la force majeure ou l’imprévision peut être une justification juridique utilisée pour l’inexécution d’un contrat en raison de l’épidémie de coronavirus. Dans la troisième et dernière partie de la série « Coronavirus et les contrats commerciaux internationaux : perspective du droit français“, nous établissons un plan d’action de base, c’est-à-dire un ensemble de lignes directrices pratiques, à l’intention des entreprises qui rencontrent des problèmes contractuels causés par l’épidémie actuelle de Covid -19.
Notre expérience montre qu’en cette période particulièrement difficile pour tous, la négociation, la médiation et la recherche du compromis sont les clés pour parvenir à des accords permettant de préserver les relations commerciales d’éventuelles procédures judiciaires. Par conséquent, une approche stratégique appropriée pourrait aider à faire face aux potentiels effets négatifs de l’épidémie sur les contrats commerciaux, telles que l’exécution ou la réduction des coûts, la responsabilité pour les dommages ou la résiliation.
Révision des droits et des obligations contractuels et évaluation des risques
Comme indiqué dans les publications précédentes et avant toute réaction, la consultation des termes du contrat qui obligent les parties, constitue la première étape indispensable. Il va sans dire qu’il s’agit des contrats conclus avant l’apparition du Covid-19, approximativement avant 28 février 2020, jour où le Ministère français de l’économie et des finances a qualifié le coronavirus de force majeure pour les marchés publics.
Toute d’abord, il est fortement recommandé de vérifier les dispositions relatives à la force majeure ou à l’imprévision.
Également, il est nécessaire d’analyser les clauses relatives à l’exception d’inexécution, l’exception pour risque d’inexécution, les clauses pénales ou les clauses de déchéance, de forclusion.
En outre, sont à examiner les mécanismes contractuels déclenchés par tel ou tel délai (délais d’option, de mise en jeu d’une GAP etc.), les clauses résolutoires, les clauses sanctionnant l’inexécution d’une obligation.
Enfin, il est indispensable de consulter les dispositions contractuelles prévoyant les clauses de médiation et relatives à la résolution des litiges telles que le droit applicable ou la juridiction compétente.
L’importance de la vérification du contrat est cruciale dans la mesure où celui-ci contient probablement des précisions sur les obligations d’information ou des exigences de préavis liées aux différents mécanismes juridiques dont nous pourrions avoir potentiellement recours. Le respect de ce type d’obligations, bien qu’elles concernent principalement la forme, comme le délai (généralement à délivrer “rapidement”),le moyen de communication ou contenu, est aussi important que la justification de la disposition légale à laquelle nous faisons référence.
Les conséquences d’une éventuelle résiliation ou rupture de contrat doivent également être évaluées.
Trouver des alternatives et anticiper
L’expérience a déjà démontré que l’épidémie de Covid-19 est un événement de longue durée avec des effets sur la vie des affaires à court et à long terme. Notamment, dans le cas d’un empêchement, avant de prévoir une rupture de contrat, il est donc recommandé de rechercher s’il existe d’autres moyens possibles de remplir les obligations avec comme objectif général de maintenir la continuité de la chaîne d’approvisionnement. Il est également important de se rappeler que votre activité n’est pas la seule concernée par l’épidémie, mais qu’il s’agit d’un phénomène mondial. Ainsi, le fonctionnement de vos clients pourrait également être paralysé, et en conséquence, le défaut d’exécution de votre obligation n’aura pas forcement d’impact significatif sur leur activité.
Communication et compréhension du cadre réglementaire national
La communication est un élément clé pour maintenir des relations commerciales fructueuses, et surtout dans les situations critiques comme celle que nous vivons actuellement. Il convient de rappeler qu’en cas de transactions commerciales transfrontalières, les différences culturelles doivent être prises en compte.
Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit que, même au sein de l’Union européenne, chaque pays a ses propres actions et restrictions liées à la crise de coronavirus. En conséquence, les mesures prises en France ne s’appliquent pas forcément au fonctionnement des entreprises polonaises, par exemple. Une approche cohérente et une compréhension des mesures locales, liées aux réglementations et aux restrictions, ont toute leur importance dans l’élaboration d’un plan stratégique pour la crise épidémique. Le cadre réglementaire s’adapte à la situation de chaque pays laquelle est en constante évolution. Par conséquent, il est également essentiel de ne pas oublier de revoir les mises à jour et de consulter ce cadre avec les directives nationales liées à son application, afin de bien saisir les nuances juridiques propres à chaque juridiction.
En France, l’art. 11 de la loi adoptée le 23 mars 2020, permet au gouvernement de prendre, jusqu’au 24 juin, par ordonnances, certaines mesures qui devaient auparavant être votées par le corps législatif [1]. De nombreuses mesures ont été déjà prises dont notamment l’ordonnance relative au défaut de paiement des loyers des baux commerciaux, des factures d’eau et d’électricité par les entreprises touchées par l’épidémie de coronavirus. Son article 4 précise qu’aucune pénalité financière ne sera imposée et qu’aucun intérêt de retard ne sera facturé aux entreprises qui n’auront pas payé leur bail commercial, et les autres charges qui en découlent, qui auraient dû être payés entre le 12 mars et deux mois après la déclaration de l’urgence sanitaire par le gouvernement français[2]. Attention les échéances ne sont pas annulées mais reportées. Toutefois, ces règles s’appliquent seulement aux très petites entreprises (mois de 10 salariés) très durement touchées par la crise et qui remplissent certaines conditions.
Rassemblement des preuves et couverture d’assurance
Nous recommandons à nos clients d’obtenir toute preuve pertinente concernant des événements ayant une incidence sur l’exécution de leurs accords commerciaux. Un événement peut également avoir une importance pour établir des éventuels fondements juridiques de l’inexécution du contrat telles que décrites dans les articles relatifs à la force majeure et au hardship. N’hésitez pas à consulter les articles précédents pour plus de détails.
Il est rappelé que chaque détail concernant les éléments de preuve aura son importance dans la mesure où la charge de la preuve incombe à la partie non-exécutante.
Au-delà du réexamen des accords contractuels liant les parties, Verne Legal rappelle l’importance d’évaluer la couverture d’assurance disponible. L’efficacité de la réclamation dépend souvent de sa rapidité. Or, les délais de déclaration diffèrent pour chaque police d’assurance. L’étendue de l’assurance peut également différer ; certaines peuvent fournir une couverture en cas d’interruption et d’autres peuvent également couvrir les cas de force majeure ou les risques politiques. Il convient de noter que la plupart des polices exigent une perte physique directe pour les biens, les clients ou les fournisseurs. Toutefois, les dispositions particulières sont contenues dans les conditions générales et la notice d’assurance, qui doivent être examinées avec soin. Par une ordonnance de référé rendue le 22 mai 2020, le tribunal de commerce de Paris a ordonné à une compagnie d’assurance d’indemniser un restaurateur pour les pertes d’exploitation subies en raison de la crise sanitaire du coronavirus.
Compte tenu de ce qui précède, il convient de rappeler que pour évaluer toute situation contractuelle, une analyse factuelle spécifique est nécessaire. L’équipe juridique de Verne est en mesure d’assister toutes les entreprises sur leur situation contractuelle ainsi que sur les dispositions obligatoires qui s’appliquent aux entreprises ayant leur activité en France. Pour une actualisation quotidienne, suivez-nous sur Linkedin.
Iga Kurowska Ewa Kaluzinska
Verne Legal, Partner Verne Legal, Avocat associé
Verne Legal offre aux entreprises un accompagnement juridique et fiscal global en France ainsi qu’à l’international avec une sensibilisation stratégique et culturelle. Afin d’avoir plus d’informations sur le droit des affaires en France, nous vous invitons à contacter directement l’équipe du cabinet: info@vernelegal.com.
[1] Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (publié au JO du 24 mars)
[2] Article 4 de l’Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de COVID-19